Le choix de la forme juridique la plus adaptée en création d’entreprise demeure une interrogation incontournable pour tout entrepreneur. Et bien peu averti, celui qui – par méconnaissance ou par manque de temps – laisserait au hasard le choix définitif.
Dans notre précédent article, nous évoquions l’ensemble des spécificités de la SARL. Il s’agit à présent de nous attarder sur le cas de la SAS.
Alors SARL ou SAS ?
SAS : LES CARACTÉRISTIQUES
La SAS (Société par actions simplifiée) est la forme juridique la plus répandue en nombre de création de sociétés commerciales (61% de sociétés créées en 2017 étaient des SAS versus 36% des SARL et ce chiffre est croissant).
Ses principales caractéristiques sont : une grande souplesse de fonctionnement et la possibilité pour les associés d’aménager dans les statuts les conditions de leur entrée et de leur sortie.
Initialement prévu pour les projets complexes, le choix de la SAS s’est largement démocratisé à mesure d’un assouplissement de ses règles.
SAS OU SASU : LES ASSOCIÉS
Une SAS peut être constituée d’un ou plusieurs associés, personnes physiques ou morales.
Lorsqu’il n’y a qu’un seul associé, nous parlons d’une SASU (Société par actions simplifiée unipersonnelle).
SAS : LES APPORTS ET CAPITAL SOCIAL
Les associés fixent désormais librement le montant du capital social dans la mesure où il n’existe plus de seuil minimal (37.000 euros).
Les apports peuvent être effectués en numéraire ou en nature.
Les apports en numéraire (forme monétaire) doivent être versés pour au moins 1/5e de leur montant lors de la constitution de la société, le solde dans les 5 ans. Lorsque le capital annoncé dans les statuts est entièrement déposé en banque, nous parlons de capital entièrement libéré.
Les apports en nature doivent être évalués par un commissaire aux apports dont la mission consistera à vérifier les valeurs des apports.
Ce sont les associés qui procèdent à sa nomination. Une décision unanime des futurs actionnaires est requise. À défaut, c’est le président du tribunal de commerce qui s’en charge, à la demande d’un ou plusieurs souscripteurs.
Cependant, les associés peuvent prendre la décision, à l’unanimité, d’être dispensés d’en nommer un lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :
· La valeur de chaque apport est inférieure à 30.000 euros ;
· La valeur totale des apports n’est pas supérieure à la moitié du capital social.
SAS : RESPONSABILITÉ
La responsabilité des actionnaires est limitée au montant de leurs apports en capital.
Les dirigeants engagent leur responsabilité civile en cas de faute de gestion. Ils sont également pénalement responsables.
SAS : FONCTIONNEMENT ET DIRECTION
Les actionnaires de la SAS déterminent librement, dans les statuts, la nature et les fonctions des organes de direction ainsi que les conditions et les formes dans lesquelles sont prises les décisions collectives.
Elle est représentée par un président, personne physique ou morale.
La plupart des obligations incombent au président (ou aux autres dirigeants le cas échéant).
Dans les rapports entre associés, les statuts peuvent limiter les pouvoirs du président.
Les associés peuvent mettre en place un organe de surveillance, s’ils le jugent nécessaire.
Un commissaire aux comptes doit être nommé lorsque deux des trois seuils suivants sont dépassés :
Chiffre d’affaires hors taxes : 8.000.000 euros ;
Total bilan : 4.000.000 euros ;
Effectif salarié : 50.
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi PACTE du 22 mai 2019, une SAS membre d’un groupe, doit nommer un commissaire aux comptes uniquement si :
Elle est à la tête d’un groupe et dépasse deux des trois seuils précédents (SAS et filiales compris) ;
Elle constitue une filiale significative de groupe et se fait contrôler par une autre société pour former un « petit groupe » : la SAS dépasse 2 des 3 seuils suivants :
Chiffre d’affaires : 4.000.000 euros ;
Total bilan : 2.000.000 euros ;
Effectif salarié : 25.
Certaines décisions sont obligatoirement prises en assemblée : modification du capital, fusion, scission, dissolution, nomination du commissaire aux comptes, approbation des comptes annuels et affectation de résultats.
SAS : LES ASSEMBLÉES
Exceptées les décisions prises obligatoirement en assemblée, les statuts peuvent prévoir que certaines décisions seront prises par le président ou le conseil de direction de l’assemblée.
Cette particularité n’est pas permise pour les SA ou les SARL dans la mesure où le partage des pouvoirs entre la mandature et les assemblées sont prévues et régulées par la loi.
Les statuts déterminent librement les conditions et les formes dans lesquelles sont prises les décisions collectives des associés (consultation en assemblée ou par correspondance, télécopie, vidéoconférence). En effet, ce sont les statuts qui déterminent les conditions de quorum et de majorité dans les prises de décision collectives.
Par ailleurs, il est possible que soit attribué à certains associés un nombre de voix différent de celui accordé à d’autres et un droit de veto (ou ajournement) peut être accordé à un ou plusieurs associés. Enfin, un accord préalable peut être requis pour certaines décisions.
Notons que certaines clauses statutaires ne peuvent être adoptées ou modifiées qu’à l’unanimité (agrément en cas de cession d’actions, exclusion d’un associé, inaliénabilité des actions d’un associé).
SAS : ADMISSION ET RETRAIT DES ASSOCIÉS
Les statuts de SAS peuvent prévoir des clauses initialement inscrites dans un pacte d’actionnaires offrant ainsi l’avantage de les rendre opposables aux tiers. Cette possibilité permet d’éviter que certains participants à ces pactes ne remettent en cause leur validité dans le but d’échapper aux engagements qu’ils ont contractés.
Des dispositions dont ils pourront obtenir l’exécution forcée, alors qu’on ne peut généralement obtenir que des dommages et intérêts en cas de non-respect d’un pacte d’actionnaires.
Il est également possible pour les associés de prévoir des clauses d’exclusion permettant d’isoler un actionnaire.
Fondamentalement, les associés peuvent insérer dans les statuts toute clause de leur choix en vue d’organiser l’admission et le retrait d’un associé.
SAS : LE MANDATAIRE SOCIAL – PRÉSIDENT ET DIRECTEUR GENERAL
Le mandataire social est le dirigeant de la SAS. Il représente la société auprès des tiers et engage celle-ci dans la prise de décision.
La direction d’une SAS s’organise sur certains fondamentaux :
o Une direction assurée par un Président ;
o L’inexistence d’une présidence collégiale. En effet, il ne peut y avoir deux présidents.
Cependant, pour accompagner le pouvoir du Président, il est à fait possible de nommer un directeur général- étant lui-même mandataire social. C’est-à-dire, ayant le pouvoir d’entrainer la société et la représenter auprès des tiers.
Les attributs du Président et du directeur général peuvent être précisés dans les statuts ou par acte séparé.
Qui peut être président d’une SAS ?
Une personne physique ;
Une autre société – ayant la personne morale.
SAS : REGIME SOCIAL DU MANDATAIRE SOCIAL
Le Président de la SAS, comme le directeur général, sont assimilés salariés. Cela veut dire qu’ils sont payés au travers d’un bulletin de paye mais ne font pas partie du Régime général dans le sens où ils ne cotisent pas au chômage (ils ne peuvent en bénéficier) et ne peuvent saisir les prud’hommes.
Il convient de bien faire la distinction entre un associé et un mandataire social. Un associé détient une part (ou la totalité) du capital d’une SAS. Il est celui qui apporte les fonds en numéraire ou en nature, plus rarement en industrie. Cet apport lui permet d’avoir des droits dans la société, notamment un droit de vote.
Le mandataire social (qui peut être associé ou non) est la personne nommée en assemblée générale et destinée à représenter la société, à l’engager auprès des tiers. Il assure la bonne gestion de la SAS et élabore des stratégies lui permettant d’atteindre ses objectifs économiques.
Par ailleurs, il est possible pour le mandataire social de cumuler un salaire de mandataire et un salaire pour des fonctions techniques et sur lequel il sera affilié au régime général des salariés. Attention toutefois, quand bien même ce distinguo est possible, il est assez délicat et peu apprécié par l’URSSAF en cas de contrôle.
Les conditions pour cumuler ces deux types de contrats sont :
Existence d’une fonction bien distincte, un emploi effectif et existence d’un lien de subordination ;
La rémunération de l’activité salariée différente de celle du dirigeant ;
Approbation par les actionnaires et matérialisation via une convention réglementée.
SAS : REGIME FISCAL
La SAS est, de plein droit, soumise à l’impôt sur les sociétés.
Par exception, une petite SAS (moins de 50 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions d’euros) constituée depuis moins de 5 ans peut opter, sur option, pour une durée maximale de 5 ans au régime fiscal des sociétés de personnes permettant l’imputation des déficits sur les revenus des associés.
La SAS étant véritablement un « game changer », nous avons décidé de lui consacrer un article exhaustif. Beaucoup de choses contradictoires ont été dites à son sujet tant il existe une certaine opacité entourant ses caractéristiques et son utilisation.
Sachez, pour l’heure, qu’il serait regrettable de créer votre société sans en prendre connaissance.
SAS : LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS
A présent que nous comprenons mieux le fonctionnement de la SAS, nous allons synthétiser ses avantages et ses inconvénients.
Ces points seront très importants dans le choix prochain que vous serez amené/e à faire.
Les avantages :
Montant de capital social très faible ;
Responsabilité des associés limitée aux apports ;
Structure évolutive et ouverte ;
Son organisation et son fonctionnement peuvent être fixés précisément par les statuts permettant ainsi une très grande souplesse ;
Les associés peuvent aménager comme ils l’entendent les conditions de leur entrée et de leur sortie (cela évite les pactes d’actionnaires) ;
C’est un instrument efficace de rapprochement des entreprises (filiales communes) ;
Transmission facilitée de l’entreprise ;
Insertion de clause d’exclusion dans les statuts permettant de résoudre les conflits entre associés ;
Le décès du dirigeant n’entraînera pas de cessation d’exploitation ;
Possibilité de désigner une personne morale comme président de la SASU ;
Cession des actions plus facile que la vente d’un fonds de commerce ;
Possibilité d’obtenir des concours financiers extérieurs par voie d’augmentation de capital par émission d’actions, d’obligations ou de valeurs mobilières composées ;
Pas de cotisations sociales sur le dividende (contrairement à la SARL). Flat tax unique de 30% (impôt sur le revenu compris) ;
Rattachement des dirigeants au régime général salarié réputé plus « protecteur » ;
Responsabilité limitée des actionnaires à leur apport en capital ;
Possibilité d’opter pour l’impôt sur le revenu.
Les inconvénients :
Respect d’un certain formalisme de fonctionnement nécessitant l’aide de prestataire(s) externe(s) ;
Frais de fonctionnement et de dissolution : la SARL (comme la SAS) nécessite un coût de gestion notamment pour la tenue comptable, certaines opérations juridiques etc.
Elle sera peut-être moins adaptée au tout petit projet (voir du côté de la micro-entreprise ou autoentreprise) ;
Rigueur indispensable dans la rédaction des statuts ;
Régime social du Président et Directeur général plus coûteux ;
Les seuils de nomination du CAC sont inférieurs à ceux prévus de la SARL :
Nombre de salariés supérieur à 50 ;
Total bilan supérieur à 1 550 000 euros ;
Total chiffre d’affaires supérieur à 3 100 000 euros.
Il n’est pas possible d’opter pour le statut de conjoint collaborateur ;
Pas d’accès en bourse.
A présent que nous comprenons mieux le fonctionnement de la SARL/EURL et de la SAS/SASU, nous allons enfin synthétiser ces données comparatives puis vous donner notre avis sur le meilleur choix de la forme juridique dans le prochain article.
Associé-fondateur du cabinet FINTEK
Expertise comptable & Conseils
Comments